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CHRONIQUE 11 - 12/2001
ÉVOLUTION OU REGRESSION DU RÉPERTOIRE PÉDAGOGIQUE POUR PIANO


Sur l'évolution du répertoire que l'on propose (ou plutôt que l'on impose) aux jeunes apprentis pianistes, il paraît intéressant de considérer le contenu d'une nouvelle édition comme "De Bach à nos jours", à l'usage apparemment des pédagogues particulièrement dans le vent ne supportant plus cette vieillerie que sont les "Classiques favoris". L'analyse de ce premier ouvrage, à commencer par le titre, nous paraît significative. Le terme de classique, devenu suspect dans le contexte idéologique actuel, est abandonné. Au lieu de laisser les compositeurs du recueil à une certaine égalité, on met en exergue le nom de Bach. L'expression à nos jours n'est sans doute pas anodine non plus. Elle paraît signifier une volonté manifeste de progressisme. La préface, dans le même esprit, avertit bien, au cas où l'on aurait un doute, que Prokofiev, Bartok, Chostakovitch sont devenus des "classiques" au même titre que Beethoven ou Mozart. Par le truchement de ces compositeurs, le terme de "classique" se trouve alors revalorisé. Il est remarquable que les compositeurs cités ainsi que ceux qui ont l'honneur de bénéficier d'un commentaire et d'une gravure dans les pages qui suivent soient ces trois modernes, comme par hasard tous les trois plus ou moins dissidents du communisme, et non pas Kabalevski et Khatchaturian (non dissidents) dont les pièces figurent cependant dans le recueil. Pourtant ces derniers ne sont-ils pas réellement devenus des "classiques" plus que les précédents? Une surprise nous est réservée lorsque l'on consulte les notices biographiques des quatre volumes de la collection. On constate tout simplement que Liszt n'a pas été jugé digne d'y figurer, pas plus qu'Albeniz d'ailleurs ou Grieg. Ces absences, il est vrai, se trouvent avantageusement compensées par la présence de Lutoslawski. Chopin figure encore, mais dans la prochaine édition, n'aura-t-on pas fait disparaître ce gêneur que l'on supporte de plus en plus difficilement, au profit par exemple d'un Boulez ou d'un Berio? Les progrès de l'édition musicale pédagogique ne sont-ils pas spectaculaires? N'en déplaise aux partisans du modernisme, je persiste à penser que les "Classiques favoris" permettaient de découvrir des pièces souvent excellentes de Kulhau, Steibelt, Clementi, Scarlatti, Mozart, Diabelli, Beethoven... sans écraser outrageusement certains compositeurs par rapport à d'autres. On se plait à rêver que le répertoire pédagogique actuel puisse s'inspirer du grand "Répertoire encyclopédique du pianiste" (1926) d'Hortense Parent, la grande pédagogue française qui a joué elle-même plusieurs milliers de pièces appartenant à quelque 400 compositeurs depuis Adam jusqu'à Zipoli en passant par Beliczay, Kistler, Nollet, Willmers... Pour ma part, sans atteindre cet éclectisme exceptionnel, et plus humblement, je me limiterais à proposer aux pédagogues et mélomanes quelques pièces fort négligées dans le répertoire pédagogique malgré la renommée de leur auteur: En Crimée, Souvenir d'enfance n°3 de Modeste Moussorgski ; Séguidille du diable, À l'ombre de Torre Bermeja, Soirée dans le parc de Joaquin Rodrigo, les "Études transcendantes" de Serguéi Liapounov. Et je n'oublierai naturellement pas dans le répertoire de moyenne difficulté les pièces de l'opus 51 (n°1, 2, 4, 6) de Piotr Illitch Tchaïkovski dans lesquelles le créateur du Casse-noisette me paraît avoir transcendé la simplicité schumannienne. Enfin, pour le niveau technique supérieur, la fulgurante Dumka du même compositeur, pour moi l'un des joyaux de la littérature pour piano solo.


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