SOMMAIRE


CHRONIQUE n° 33 - 10/2003
MATCH-PAGANINI RAVEL: PAGANINI K.O. (NATURELLEMENT)


Pour composer Tzigane, Ravel invita un grand soliste de ses amis en lui recommandant de venir avec les 24 Caprices de N. Paganini. H. Jourdan-Morhange nous dit à propos de M. Ravel:
C'est ainsi que dans Tzigane, il gagna sans conteste le match Ravel-Paganini. Maurice Ravel, en une seule oeuvre, selon cet auteur, dépasse infailliblement Nicolo Paganini qui a consacré toute sa vie au violon et qui est considéré par les violonistes comme le plus grand novateur de la technique de violon. Il va sans dire évidemment que sur le plan purement musical, pour H. Jourdan-Morhange, Maurice Ravel est incomparablement supérieur dans cette œuvre à tout ce que N. Paganini a pu composer, la question ne se pose même pas tellement c'est évident. Cet auteur ne déclare-t-il pas cette sentence car il sait que N. Paganini est moins considéré que M. Ravel. Si la comparaison avait concerné J.S. Bach ou W.A. Mozart, aurait-il osé se prononcer de manière aussi désinvolte?

De même, tel musicographe qui nous évoque de l'invention insipide de Paganini n'illustre-t-il pas la prééminence de l'idéologie dans le jugement sur l'effet réellement perçu à partir du contenu strictement musical? Nous le soupçonnons fort d'affirmer ce jugement brutal et catégorique parce qu'il sait que N. Paganini fut un virtuose-compositeur et qu'il fut adulé par les mélomanes de son époque. Il sait également que les oeuvres de Paganini furent déconsidérés par des générations de musicographes et qu'il ne risque rien à aboyer lâchement avec la meute. La tendance des musicographes n'est-elle pas caractéristique d'une réaction humaine fondamentale, conforter l'effet de groupe en agressant les victimes offertes à la vindicte de la classe intellectuelle dominante, s'acharner sur les faibles qui sont déjà fragilisés par les attaques d'autrui, affirmer un code de valeurs communes nécessaire à la cohésion du groupe. Le musicographe que nous évoquions a-t-il écouté les œuvres de N. Paganini, l'esprit vierge de toute idée préconçue? Certainement non, car le problème est purement d'ordre idéologique et la valeur réelle des oeuvres de ce compositeur n'a probablement aucune espèce d'importance. Mieux encore, les rédacteurs de La musique occidentale (ouvrage de plus de 1200 pages sous la direction de B. et J. Massin) résolvent élégamment le problème posé par Paganini. Tout simplement en l'excluant comme s'il n'avait jamais existé. Après avoir stigmatisé la couardise, l'aplatissement devant les prétendues valeurs musicales, la méconnaissance musicologique, saluons le courage de Saussine dans son article, à mon avis excellent, (Histoire de la musique Gallimard - Gallimard, 2001 - sous la direction de Roland Manuel). Enfin, terminons cette évocation du grand Génois par une citation du violoniste Jacques Thibaud:

Paganini est, dans l'art instrumental, une double liaison entre le style classique-romantique et le style moderne. Il a donc devancé d'un siècle l'écriture violonistique actuelle et je reste persuadé que ses inventions, ses trouvailles, ses heureuses créations ont influencé les possibilités techniques de toute l'orchestration mondiale.


Sommaire des chroniques

SOMMAIRE



Site optimisé pour norme W3C sous Linux

Valid HTML 4.01 Transitional CSS Valide !