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CHRONIQUE n° 45 - 10/2004
L'OEUVRE MUSICALE POSSÈDE-T-ELLE UNE SIGNIFICATION PHILOSOPHIQUE?


Une oeuvre peut sans doute nous impressionner au-delà de l'effet immédiat engendré par son contenu thématique brut (son contenu mélodique, harmonique...), induisant en nous des signifiants d'ordre supérieur, mais il nous semble que ces effets opèrent toujours par l'intermédiaire de la sphère affective. Ce serait l'impact de la thématique qui entraînerait secondairement l'hypothétique signification philosophique en excluant toute interprétation directement perceptible par l'intellect. Certaines oeuvres auraient ainsi la capacité de nous communiquer un sentiment métaphysique. En les écoutant, nous avons l'impression de percevoir la beauté absolue, de quitter la gangue qui nous masque la face du Monde, nous renaissons à la réalité première. Nous brisons les fils artificiels de relations qui nous liaient, nous déchirons le crêpe étendu devant nos yeux. L'univers que nous entrevoyons par cette nouvelle ouverture, ce serait un paysage d'une sublimité désolée, la nudité de la Nature, de l'Être insensible, l'Absence. Peut-être ressentons-nous là les sentiments fondamentaux dont parle M. Heidegger, celui du Dasein devant l'Existence, un sentiment de tristesse vague, indéfinissable. Plus loin que la Beauté, nous atteindrions la conscience ultime. Parmi les oeuvres capables de nous procurer de tels sentiments métaphysiques nous oserons citer la Symphonie n°2 de D. Kabalevski, les Quatre saisons d'A. Vivaldi, Lemminkaïnen in Tuonela de J. Sibelius, La tsarine au milieu des flots de la Suite Tsar Saltan de N. Rimski-Korsakov... D'autres œuvres, comme le Concerto n°2 pour violon et orchestre de C. de Bériot, la Symphonie n°5 de L. van Beethoven, le Concerto n°1 de P.I. Tchaïkovski, la Symphonie fantastique d'H. Berlioz, la Symphonie n°4 (Romantische) d'A. Bruckner, le Concerto n°1 pour violon et orchestre d'H. Vieuxtemps... pourraient plutôt nous évoquer la révolte de l'âme recherchant une délivrance impossible, une libération hors des contraintes de la Matière. Quant à la virtuosité, elle nous donnerait l'illusion de quitter le monde de l'immanence pour accéder à la transcendance, qui ne peut se décrire ni se représenter. Quelle oeuvre autre que le Concerto n°1 de Paganini, l'initiateur historique de la haute virtuosité, pourrait nous l'évoquer d'une manière plus absolue et plus élevée? Bien d'autres oeuvres pourraient susciter en nous de tels sentiments d'ordre métaphysique, mais il s'agit là déjà d'une interprétation qui outrepasse la pure sensation intuitive que nous recevons, nous ne pouvons en témoigner que d'une manière suggestive et subjective.


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