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CHRONIQUE n° 66 - 07/2006
N'EST-IL PAS IMPOSSIBLE DE DÉMONTRER LA VALEUR D'UNE OEUVRE?


Les théoriciens, semble-t-il, ne sont jamais parvenus à montrer quelles caractéristiques communiquaient à une oeuvre la capacité de nous impressionner. Aristoxène pensait que l'art musical ne devait s'appuyer que sur le sentiment et sur l'oreille plutôt que sur les nombres comme le pensait Pythagore. Il existe probablement une logique expliquant le discours musical, mais elle nous est inaccessible en considération de nos capacités d'analyse limitées. Nous sommes encore loin de concilier Aristoxène et Pythagore. Il paraît bien vain de vouloir démontrer quelles caractéristiques d'une composition musicale expliquent son succès auprès du public et encore plus vain de prouver une valeur musicale qui resterait à définir. L'étude de la musique peut utilement faire appel à l'acoustique, la psychologie, la phénoménologie, la sociologie, la psychologie cognitive, la sémiologie..., mais toutes ces sciences se heurteront toujours au problème du jugement de valeur, qui est justement la raison d'être de la musique.

Il semble donc que l'on ne puisse déduire la valeur d'une oeuvre par une étude extérieure. Comme le remarque Ernest Ansermet, aucun essai d'analyse extérieur ne peut remplacer l'expérience intérieure esthétique. La musique est un Erlebnis, une expérience vécue que l'Homme accomplit sans réfléchir (Ernest Ansermet - Ecrits sur la musique). Ne doit-on plutôt considérer le résultat, c'est-à-dire l'effet produit sur l'auditeur, dont la constatation nous est plus accessible? Tout essai d'analyse d'une oeuvre semble n'être qu'un essai a posteriorivisant à comprendre l'origine et l'explication des effets qui ont été ressentis par son audition. Les commentaires visant implicitement à démontrer le génie d'un compositeur par l'analyse de ses oeuvres doivent donc être considérés avec circonspection, voire avec sévérité. N'est-il pas visible qu'il sont généralement guidés par une téléologie visant à encenser les compositeurs déjà célèbres ou ceux que l'on voudrait artificiellement promouvoir. De même, l'application des lois grammaticales en littérature n'a jamais expliqué, semble-t-il, qu'un texte puisse être génial et l'on peut écrire des élucubrations savantes, des exégèses approfondies sur n'importe quel texte écrit aussi bien par la première femme de chambre venue que par Shakespeare ou Calderon. Pour prouver objectivement la valeur d'une oeuvre, il faudrait un instrument de mesure. Cet instrument, pensons-nous, devrait être sensible à tous les aspects de l'oeuvre : esthétique, expressif, émotif... cela ne revient-il à dire que cet instrument posséderait une intelligence, une sensibilité, qu'il ait une âme? Cet instrument, alors, ne serait autre que l'Homme en tant que mélomane, individu sensible à la musique.


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