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CHRONIQUE n° 77 - 06/2007
LA MUSIQUE: ART OU MYSTIFICATION?


La remise en cause réalisée par les sociologues, notamment Durkheim, pour lesquels le mélomane est un croyant, l'oeuvre le simple prétexte, le leurre d'une manifestation à caractère sociologique pourrait être vérifié pour la grande majorité de la production reconnue actuellement comme géniale, mais non la totalité. Le reste demeurant susceptible de représenter réellement des oeuvres d'art. C'est naturellement une simple hypothèse que nous avançons, eu égard néanmoins aux arguments cumulées dans ces chroniques sur le phénomène musical et sa distorsion au cours de l'histoire. Même Beethoven, peut-être un des plus authentiques compositeurs, serait un mystificateur en dépit des innombrables chefs-d'oeuvre qu'il nous a - à ce qu'il nous semble - légué car il fut obligatoirement amené à composer sans inspiration pour entretenir sa fonction de compositeur, ne serait-ce que vis-à-vis de lui-même. Il fut, selon cette optique, un exploiteur social comme tout agent de la société. Ne faut-il pas abandonner l'idée selon laquelle un seul type de cause (sociologique, esthétique) expliquerait l'ensemble du phénomène musical ? Ne faut-il pas plutôt retenir l'hypothèse de la multi-causalité, et notamment la possible dérive au cours de l'histoire d'un type de cause en une autre, par exemple au XVIIème siècle, la transformation de la musique comme médiateur religieux, social en véritable art capable de recéler une expressivité. Cette évolution de la fonction d'une pratique serait analogue à ce qu'on observe en biologie où un organe peut changer de fonction au cours de l'Évolution. Parfois même subsistent des organes sans fonction, vestiges qui peuvent être interprétés comme un parasitisme temporaire de la part des éléments qui les composent. Les effets de rémanence, d'inertie expliqueraient l'existence d'une réalité déphasée par rapport à ses causes, irréductible apparemment à la logique lorsqu'on l'applique à un état instantané. Dans l'hypercomplexité de ces causes successives, l'on aboutirait, comme dans le domaine de l'Évolution de la Vie, à une théorie de l'arbitraire et du hasard, c'est-à-dire un enchevêtrement hétérogène de causes innombrables. La beauté musicale, qui nous paraît la raison d'être de l'oeuvre et le résultat d'une intention consciente de la part du compositeur, était peut-être considérée comme secondaire au XVIIIème siècle, nous dit Nikolaus Harnoncourt. De même, le message qu'ont voulu faire passer les constructeurs des magnifiques cathédrales gothiques n'est sans doute pas leur beauté, mais la ferveur religieuse qui aujourd'hui nous indiffère, cependant ce dernier message, souvent inconscient, celui de la beauté, n'est-il pas plus profond et supérieur, n'est-il pas plus universel et intemporel par rapport au message religieux qui n'en serait que le prétexte conscient et superficiel? Un autre phénomène important pourrait se greffer sur ce schéma évolutif pluridirectionnel et anarchique : le parasitisme réalisé sur une pratique existante inefficiente dont le développement a été permis antérieurement grâce à une autre cause réellement efficiente. C'est ce parasitisme qui constituerait une véritable mystification alors que le papou qui danse autour d'un totem n'est victime d'aucune mystification en tant que participant à une manifestation dont le sens est effectif. Mais il y a, à notre sens, mystification avérée de la musique contemporaine moderne qui parasite la musique classique. La musique contemporaine atonale bénéficie d'un reliquat de public, de structures qui ont été acquises grâce à l'efficacité de la musique classique pendant plusieurs siècles. Webern et Boulez, me semble-t-il, vivent aujourd'hui aux crochets de Beethoven et Paganini. Les virtuoses-compositeurs depuis Dowland, Biber, Fiorenza... auraient contribué selon notre thèse, en mobilisant le public, à donner au phénomène musical sa véritable dimension historique, acquis que dilapide l'école de Vienne dodécaphonique et ses développements contemporains jusqu'à ce que la musique classique sombre dans l'indifférence générale. Le sérialisme ne serait que la phase de dégénérescence de la musique classique.


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