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CHRONIQUE n° 78 - 07/2007
QUELLES SONT LES CONDITIONS QUI PERMETTENT
D'APPRÉCIER UNE OEUVRE?


Quelles sont les conditions qui permettent d’apprécier une œuvre? Le processus de perception musical semble intimement lié à celui de mémorisation. La nécessité de réécouter les thèmes pour les apprécier serait à l'origine des réexpositions, d'autre part les motifs secondaires sont souvent en corrélation thématique avec les thèmes principaux, ce qui en faciliterait la perception. Et l'on pourrait ajouter la pratique du développement, quoiqu'elle soit de nature souvent scolastique. Mais si la compréhension d’une œuvre nécessite préalablement la reconnaissance des thèmes et motifs dont elle est constituée, il serait difficile de considérer qu'elle s’y identifie. Une personne, pensons-nous, peut être capable de mémoriser un thème sans pour cela l’apprécier. La mémorisation serait une condition nécessaire, mais non suffisante. Le témoignage de nombreux mélomanes semble montrer que la première audition d'une œuvre musicale ne permet de l’apprécier qu’en partie seulement. Ainsi, elle forgerait chez l'auditeur ce qu'on pourrait appeler un jugement présomptif. Le plaisir lors d’une première audition serait alors un plaisir immédiat, qui n’aurait qu’un rapport lointain avec le contenu thématique de l’œuvre, lequel serait très incomplètement perçu. Cette nécessité - si toutefois elle est avérée - de réécouter plusieurs fois une œuvre pour en obtenir la compréhension réelle, pose une difficulté, eu égard aux faibles possibilités de réauditions dont disposaient les mélomanes avant l’invention des moyens de reproduction sonore. On peut imaginer, selon cette hypothèse, que peu d’œuvres étaient réellement appréciées dans ce qu’elles avaient de véritablement génial avant le XXème siècle. On pourrait expliquer ainsi qu’une quantité considérable de chefs-d’œuvre serait passée inaperçue. F. Liszt se plaignait du faible impact que devait créer sur le public une seule seconde de musique laborieusement pensée et où le compositeur avait tenté de mettre tout son génie. Mais si le nombre d'audition des œuvres était limité, l’assiduité au concert, plus forte que de nos jours, l’habitude de bisser les œuvres, la transcription des œuvres connues de manière à ce qu’elles pussent être exécutées dans les salons, pouvaient compenser dans une certaine mesure les difficultés de perception. Ainsi certains airs obtenaient un succès durable, qui dépassait largement celui du concert. C’était le cas des airs d’opéras que de nombreux compositeurs ont transcrits pour violon ou piano. L’activité de transcription, qui nous paraît avoir encombré inutilement le répertoire des instrumentistes, devait correspondre à une fonction musicale réelle que nous ne pouvons plus comprendre aujourd’hui. Les contraintes liées à la perception des oeuvres suggèrent la complexité des rapports entre la musique et son public, elles incitent également à considérer avec une certaine circonspection l'établissement des notoriétés et des succès.


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