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CHRONIQUE n° 83 - 01/12/2007
TÉLESCOPAGES FÂCHEUX


Les télescopages entre les nécessités de l'idéologie et la réalité musicale peuvent engendrer des contradictions savoureuses. On se souvient des palinodies exégétiques chez les rédacteurs des notices consacrées à Bach. Un autre exemple non moins significatif nous est fourni par l'Histoire de la musique de Larousse sous la direction de Marie-Claire Beltrando (01/2000), du reste, à notre avis, un excellent ouvrage s'appuyant sur des travaux universitaires rigoureux. Mais comment concilier les artefacts tendancieux imposés par la vieille musicographie (le culte des "grands compositeurs") avec les exigences de l'objectivité scientifique moderne? Un difficile exercice d'équilibrisme auquel s'est livré le spécialiste qui traite de l'art baroque et classique dans cet ouvrage. Un exposé d'un grand intérêt nous présente d'abord la naissance de la symphonie et du symphonisme. Se détachent les figures de Vivaldi, Sammartini, Jan Vaclav Stamic, mais aussi un grand nombre de maîtres ignorés. Pour ce qui est de la structure du genre symphonique, elle serait fixée par Florian Léopold Gassman. Ce nouveau plan est adopté notamment par Carlos d'Ordonez et Léopold Hoffman, nous précise l'ouvrage. Afin de bien affirmer la réalité objective, les auteurs - et c'est là leur mérite - nous précisent la place réelle de Mozart et Haydn dans l'évolution de la symhonie:

En ce sens, l'orchestration de Beethoven procède plus de celle de Stamic que de celle de ses devanciers, Haydn et Mozart qui n'ont jamais adopté les acquisitions des mannheimistes.

Haydn et Mozart archaïques, en retard sur les nouveautés de leur époque! Et ô scandale, celui qui fut sacré Père de la symhonie, Haydn, ne figure dans aucune des étapes qui ont permis le développement de ce genre. Néanmoins, la formulation "En ce sens", reportant au discours précédant sur les nouveautés de Stamic, introduit une certaine nuance. Comme pour se faire pardonner cet aveu intolérable, quelques pages plus loin, nouvel hommage obligé aux grands classiques d'une manière détournée particulièrement subtile, par le truchement d'une citation de de E. T. A Hofman (datant de 1814):

Haydn, Mozart et Beethoven ont porté toujours plus haut une nouvelle forme d'art dont les origines remontent au milieu du 18e siècle.

La trinité sacrée retrouve sa place. Nous voilà rassurés. Et il est rappelé qu'ils ont constitué une "synthèse des possibilités nouvelles". Voilà de nouveau le fameux argument de la "synthèse", du maître qui a "porté au plus haut sommet" un art que les inventeurs véritables (Vivaldi, Sammartini, Stamic...) étaient naturellement incapable d'accomplir. Mais comment Haydn et Mozart ont-il pu réaliser cette synthèse des nouveautés puisqu'ils les ont toujours refusées, si l'on se réfère à la citation précédente? Voilà un mystère inquiétant. Et l'inconvénient de ces hyperboles idéologiques est représenté par leur caractère invérifiable alors que les véritables créateurs peuvent se prévaloir de nouveautés parfaitement objectivables sur le plan musicologique, par exemple chez Stamic le crescendo à l'orchestre; chez Vivaldi, les effets orchestraux de pizzicati et de sourdine à l'orchestre, la ligne de basse confiée aux seuls violons à l'unisson, les indications dynamiques d'expression précises par degrés... (toujours selon l'Histoire de la musique sous la direction de Marie-Claire Beltrando). Comme nous l'avons dit, l'ouvrage, et notamment cette partie consacrée à la symphonie, reste à notre sens remarquable. Outre cette volonté de de ne pas trop malmener les grands classiques, nous regretterons seulement qu'il n'ait pas été consacré plus de commentaires à certains maîtres comme Dittersdorf, Cannabich... dont nous pourrions, pour notre part, recommander quelques oeuvres essentielles, par exemple les très symphoniques "Concerto n°6 ré m" de Corrette et "Concerto à 8 concertanti G M 186 ZWV 186" de Jan Dismas Zelenka, les superbes (à notre avis) symphonies en DM op 52 et C minor", sans numéro d'opus de Vranicki, les 4 symphonies sur "Les Métamorphoses d'Ovide" de Dittersdorf. Il ne s'agit là cependant que d'une considération subjective de notre part. Et l'on doit regretter pour finir que les oeuvres de Sammartini, Ordonez, Gassman, et bien d'autres... soient encore (en grande partie sinon en totalité) inacessibles au mélomane.


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