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CHRONIQUE n° 3 - 04/2001
LES HISTOIRES DE LA MUSIQUE REFLÈTENT-ELLES
LA RÉALITÉ HISTORIQUE?


Une certaine habitude des ouvrages d'histoire de la musique m'a amené à m'interroger sur les principes de leur élaboration. Voici, sinon ce qui est, ce que je subodore fortement. Le discours musicographique de ces ouvrages, dans son contenu et principalement dans la hiérarchie qu'il établit entre les compositeurs, serait déterminé principalement par les deux facteurs suivants :

-le contenu des histoires de la musique parues précédemment
-l'importance accordée sur un sujet par les travaux récents des musicologues

Le premier facteur me paraît susceptible d'entretenir une vision erronée de l'histoire de la musique remontant, d'ouvrage en ouvrage, jusqu'au début du dix-neuvième siècle, simulacre d'histoire qui ne repose sur aucune base solide. Le second facteur, positif à mon sens, permet à un ouvrage de s'appuyer directement sur des travaux de valeur, mais il ne permet pas, me semble-t-il, d'établir un des aspects les plus fondamentaux d'une histoire de la musique, à savoir la hiérarchie des sujets (dont celle des compositeurs) qui est le point le plus sensible. Concernant cet aspect, Brigitte François-Sappey, par exemple, s'interroge sur la pertinence qu'il y a d'accorder une si grande place à l'école viennoise comme le font habituellement les ouvrages. Mais ne manque-t-il pas parmi ces facteurs la prise en compte du public? le public mélomane qui est pourtant celui pour lequel ont été écrites les oeuvres musicales. Il semble que le succès considérable d'un compositeur ou de ses oeuvres n'intervienne nullement comme un des facteurs susceptible d'éveiller directement l'intérêt des musicographes. On pourrait citer de nombreuses oeuvres qui conquirent le public du monde entier : le "Concerto de Aranjuez" de Rodrigo, les "Planètes" de Holst, "Carmina burana" de Carl Orf, oeuvres et compositeurs sur lesquelles les ouvrages restent étrangement muets alors qu'ils sont prolixes au sujet des oeuvres de Boulez ou de Schönberg, quasiment sans public. De même, j'ai toutes les raisons de penser que la prise en compte assez récente d'un compositeur comme Vivaldi ne provient nullement du succès réel de ses oeuvres auprès d'un vaste public, mais de l'autorité acquise par quelques musicologues qui l'ont étudié (Pincherle, Schering, Ryom...). Ce serait donc toujours l'autorité des Intellectuels qui primerait. D'une manière générale, le relatif silence qui règne dans les ouvrages généraux sur l'école franco-belge de Viotti à Auguste de Boeck, l'occultation des néoclassiques du vingtième siècle me paraissent significatifs d'une altération considérable de l'histoire de la musique. Que devient la réalité historique dans ce déterminisme entretenu où la musicographie tel un sphinx s'engendre elle-même ?. On rêverait d'un ouvrage qui considèrerait l'importance historique des succès de concerts comme base de l'établissement d'une hiérarchie des compositeurs. On rêverait également d'un ouvrage qui intégrerait les approches de l'esthétique musicale et de la sociologie. Quelques étincelles risqueraient de jaillir de ce rapprochement contre-nature. Il permettrait peut-être une meilleure prise en compte du public pour le bénéfice de la musique. Mais il est vrai, pourquoi s'intéresser au jugement du public, ce gêneur qui empêcherait de musicographier en rond !


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