SOMMAIRE


CHRONIQUE n° 60 - 01/2006
UNE STATISTIQUE ÉLOQUENTE


La petite statistique suivante concernant l'importance accordée à quelques compositeurs (en nombre de pages) par l'« Histoire de la musique occidentale » (Messidor, 1983), nous paraît instructive:

BEETHOVEN 19 p.
BACH : 15,5 p.
MOZART : 12 p.
BERLIOZ : 10 p.
WAGNER : 9 p.
LISZT : 8 p.
VARÈSE : 8 p.
DEBUSSY : 7 p.
CHOPIN : 6 p.
WEBERN : 6 p.
VIVALDI : 5,5 p.
MENDELSSOHN : 5 p.
TCHAÏKOVSKI : 3 p.
RIMSKI-KORSAKOV : 0,5 p.
SAINT-SAËNS : 0,5 p.
PAGANINI : 0 p.


L'ouvrage, qui comporte plus de 800 pages grand format, et qui est écrit avec la collaboration de 17 spécialistes sous la direction de 2 coordinateurs, nous paraît significatif des parutions contemporaines jusqu'à nos jours. L'importance d'un compositeur dans l'Histoire de la musique nous paraît essentiellement devoir être jugée sous les deux critères historiques suivants:

   -éléments apporté dans l'évolution musicale
   -intérêt manifesté par le public à l'égard des oeuvres de ce compositeur.

Selon le premier critère, il nous apparaît par exemple qu'A. Vivaldi, qui eut une importance fondamentale dans l'évolution du concerto de soliste et de la symphonie, jugé indiscutablement comme un novateur par les musicographes eux-mêmes de cet ouvrage, est anormalement déconsidéré, notamment par rapport à son contemporain J.S. Bach (3 fois moins), qui est plutôt un traditionaliste tourné vers la polyphonie, et n'a pas, d'autre part, d'audience supérieure auprès du public mélomane. De même, un novateur comme N. Paganini est oublié alors qu'un traditionaliste comme F. Mendelssohn figure en place honorable. Claude Debussy, qui modifia le langage musical de son époque, est considéré presque comme 2 fois moins important que W.A. Mozart qui n'opéra pas de modification sensible du langage musical. Selon le second critère, C. Saint-Saëns, N. Rimski-Korsakov, qui ont conquis le public aussi bien à leur époque qu'aujourd'hui avec notamment "Le Carnaval de animaux" (C. Saint-Saëns), "Schéhérazade" (N. Rimski-Korsakov)... sont considérés comme quantité négligeable. P.I. Tchaïkovski, qui séduisit les mélomanes du monde entier avec son "Concerto n°1 pour piano et orchestre", son ballet "Casse-noisette"... se voit concéder 3 pages (contre 15,5 à Bach).

Nous devons signaler la disproportion qui, à notre sens, apparaît entre les premiers compositeurs de la liste et les derniers, lesquels ne sont pas pourtant des inconnus pour le public mélomane, un rapport de 5 à 1 entre J.S. Bach et P.I. Tchaïkovski, de 36 à 1 entre Ludwig van Bethoveen et N. Rimski-Korsakov. La disproportion est encore plus importante si l'on considère des compositeurs comme Henri Litolff, Giovanni Bottesini, Serguéi Liapounov... à peine cités dans cet ouvrage pourtant imposant, compositeurs qui comptèrent dans l'Histoire par l'impact qu'eurent leurs oeuvres sur le public de leur époque. D'autre part, il est bien peu probable que l'on ait véritablement considéré ce qu'ont peut-être apporté à l'évolution du langage musical ces compositeurs moins connus aujourd'hui. En dernier lieu, on ne peut que s'interroger sur la pertinance d'accorder une place aussi importante à des compositeurs marginalisés comme Varèse ou Webern dont aucune oeuvre n'a réellement conquis le public mélomane.

Une telle conception de l'Histoire de la musique qui se focalise d'une manière aussi disproportionnée sur certains compositeurs, qui de surcroît semble tenir compte très imparfaitement de l'importance des compositeurs dans l'évolution de la musique ainsi que de l'intérêt porté aux oeuvres par des millions de mélomanes traduit-elle la réalité historique et la réalité musicale?


Sommaire des chroniques

SOMMAIRE



Site optimisé pour norme W3C sous Linux

Valid HTML 4.01 Transitional CSS Valide !