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CHRONIQUE n° 68 - 01/09/2006
MUSIQUE ATONALE : LE GRAND DÉSARROI


De nombreux compositeurs de musique atonale semblent manifester un grand désarroi ces dernières décennies, sauf P. Boulez qui reste inébranlable au milieu du doute général. Les mots d'échec, de vide, d'impasse reviennent fréquemment dans les commentaires. Fleuret constate que l'on revient peu à peu à l'expression, qu'il y a un besoin ressenti de se tourner vers un passé nostalgique. Nous attendions le nouveau Monteverdi, maintenant nous ne l'attendons plus, ajoute-t-il. Moche parle d'un retour à l'expression du sentiment comme à un paradis perdu. On a constaté que la série ne pouvait conduire qu'à une impasse. Déjà, tous les compositeurs l'ont abandonnée surenchérit-il sur ces propos désabusés.

Dans leur livre-enquête Pour ou contre la musique moderne, un grand classique datant de 1957, B. Gavoty et D. Lesur interrogent des compositeurs. Leurs déclarations paraissent aujourd'hui assez savoureuses:

Dans notre pays conservateur, c'est donc aux gens avertis - et spécialement aux critiques célèbres qui ont une large audience - d'éduquer le public et de l'inviter à dépasser le stade de la routine et de la facilité. Si cela ne suffit pas, c'est aux pouvoirs publics d'imposer aux associations l'obligation de jouer une oeuvre contemporaine à chaque concert, ou presque.

On ne peut être plus clair. Nous préférons G. Dandelot, auteur de ces propos, dans Fileuse, une de ses pièces pour piano (très tonale) que, sans rancune, nous recommandons au lecteur. Pierre Dervaux va plus loin, il nous confie dans le même ouvrage:

Pourquoi pas une subvention-prime à chaque exécution d'une oeuvre moderne, sous forme d'achat par les beaux-arts de 500 à 1000 places, lesquelles seraient distribuées gratuitement et sur demande dans les grandes écoles.

Le même auteur n'exclut pas une vaste refonte qui étatiserait tous les musiciens français dignes de ce nom. "Étouffez ces propos honteux que je ne saurais entendre", déclareraient certainement en substance les actuels zélotes de la musique moderne. Exhumer ces professions de foi quelques décennies après qu'elles eurent été prononcées naïvement vaut son pesant.

Cette propension à décréter ce qu'est le bon grain et l'ivraie, à enseigner la bonne parole musicale et à éduquer le public n'est pas nouvelle. Elle fut professée au 19e siècle par les partisans des grands classiques pour déprécier les virtuoses-compositeurs. Ne retrouvons-nous pas une constante de l'intellectualisme dénigrant les choix opérés spontanément par les mélomanes sensibles, ces malappris incapable d'entrer en pâmoison en disséquant la structure d'une série?


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